13/07/2014
Le dernier kamikaze
Le Japon est mort mais le monde ne le sait pas encore
L'heure des comptes a sonné. Le Japon n'a jamais pardonné les conditions de sa défaite, 70 ans d'humiliations, d'une occupation souvent sordide. Difficile pour un européen de comprendre ce pays, ses valeurs et la recherche d'une revanche si longtemps après, une attitude très étrangère à notre vision helleno-chrétienne. Alors oui, le Japon a changé dans les faits, dans son mode de vie, dans son culte de la consommation imposé par l'occupant et nouveau maître américain. Mais, très vite, il faudrait être aveugle pour ne pas constater la soif de revanche dans l'âme du peuple, une revanche utilisant comme au judo les propres forces de l'ennemi.
A ce jeu là, le Japon avec sa patience, son patriotisme, son homogénéité s'est montré vite redoutable et le peuple considéré avec mépris comme un bataillon de fourmis par des politiciens incultes s'est révélé exemplaire dans le sacrifice et l'effort. Possédant un moment les premières banques du monde, il a voulu jouer à la loyale (comme aujourd'hui les chinois) ne sachant pas que les règles étaient truquées et que seule une minorité avait le droit de toujours gagner. Il est bien beau de s'emparer de CBS, de l'Empire State Building mais ce ne sont que des enveloppes vides dans des mains non autorisées.
Alors vieillissement de la population et crise oblige le Japon a joué du QE (quantitative monetary easing ou en français "la planche à billets") comme l'ennemi américain après tout, pourquoi lui laisser ce monopole. Mais, si les Etats-Unis abusent de ce pouvoir depuis trop longtemps, ils ont comme seule mais prodigieuse garantie le plus gros budget militaire du monde et en font sans cesse la démonstration. L'usage intensif du QE par le Japon (ci contre Shinzo Abe qui a su se distinguer dans le genre) a fait aussi baisser la valeur de la monnaie mais de manière accélérée, sans produire la moindre relance économique car l'argent sert exclusivement la spéculation bancaire. Cette dépréciation entraine pour la population des dizaines de % de hausse des produits alimentaires, de l'énergie et ce pour un pays dont l'autonomie agricole a été brisée très tôt par le libéralisme imposé par l'Amérique et qui est dépendant dans l'ensemble des secteurs des importations.
Comme on peut le constater, la situation ne risque pas de s'arranger. Le vieillissement entraine une baisse de la consommation, une baisse de la production...pour la croissance, on repassera.
Le Rapport d'information n° 294 (2008-2009) de Philippe MARINI, fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 mars 2009 confirmait déjà il y a 5 ans l'ampleur du désastre ce qui n'empêche nullement l'éducation nationale d'exalter le modèle japonais de réussite fondée sur le libéralisme, l'économie financiarisée signe de "progrès" et la fin des frontières.
Aujourd'hui avec une dette de l'ordre de 250% du PIB, une population âgée qui consomme de moins en moins le Japon sera bientôt face à des échéances douloureuses, face à la faillite. La troisième économie du monde incapable de satisfaire ses créanciers provoquera un effondrement du système bancaire car nous sommes avec le Japon à une autre échelle que la Grèce. Rien que la dette américaine détenue par les fonds japonais provoquera en étant bradée un cataclysme car personne ne pourra acheter un tel volume de créances et surtout pas la Chine qui ne veut plus en entendre parler.
Conséquence à moyen terme (encore que tout peut aller très vite) l'effondrement économique du Japon est désormais inévitable ce qui explique avec quelle complaisance le pays est en train de se réarmer ce qui est toujours plus prudent lorsqu'on ne veut et ne peut payer ses dettes. Une politique à nouveau militariste que les américains semblent prendre pour une réponse à leur souhait contre la Chine mais qui a un tout autre but. La marine japonaise comptait en 2013 environ 114 navires de guerre dont deux porte-hélicoptères, dix-neuf sous-marins d'attaque, quarante-sept destroyers et frégates.
Le récent et gigantesque porte hélicoptère Izumo, simple élément d'une marine purement destinée à la défense. Certains esprits chagrins dont le American Enterprise Institute constatent que la longueur de pont inhabituelle de 248m permet le lancement de chasseurs et pas seulement à décollage vertical. Elle dépasse de très loin les dimensions de la classe Britain's HMS Invincible.
Le plus important dans cette histoire est qu'elle peut se voir, s'interpréter selon deux analyses. Corruption de la classe politique et économique et crise démographique se cumulant expliquent tout. Ou alors, conscients d'un déclin inévitable du Japon dans un monde qui ne lui accordera pas son rang, les leaders japonais préfèrent partir délibérément en entrainant dans la chute l'adversaire. Personne ne peut sous estimer l'intelligence, la formation des élites japonaises ni une tradition qui refuse la déchéance fort bien exprimée, il n'y a pas si longtemps, par Mishima. Qui peut jurer que Shinzo Abe ignore les conséquences terribles, inévitables de sa politique? La fin du yen est là et c'est un coup de poignard mortel dans le cœur de l'économie américaine qui ne s'en remettra pas avec son système basé très largement sur la finance et plus sur une économie industrielle largement exportée depuis des années en Asie du fait de la mondialisation. La politique sans retour de Shinzo Abe est celle d'un suicide économique. Le compte à rebours est lancé pour quelques mois, quelques années. Il bien difficile de dire quelles seront les conséquences planétaires lorsque la confiance disparaîtra. On peut parier que des troubles sociaux encore jamais vus, des guerres seront au menu pendant des années. Cette fois le Japon ne connaîtra pas seul la défaite car nous avons tous déjà perdu.
Au nombre de mes convictions incurables figure la croyance que les vieux sont éternellement laids, les jeunes éternellement beaux. La sagesse des vieux est éternellement ténébreuse ; les actions des jeunes sont éternellement transparentes. Plus les gens vivent longtemps, pires ils deviennent. En d'autres termes, la vie humaine est un processus inversé de déclin et de chute (Yukio Mishima).
La bombe démographique du Japon
10:12 Publié dans Actualité | Tags : japon, yen, shinzo, abe, faillite, économie | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | | |
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