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23/09/2024

Inversion de la vie et marchandisation ultime du sexe ( 1/3 )

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« Extrapolé à partir de l’état actuel de la recherche sur la fertilité », Hashem Al-Ghaili, homme de communication, biologiste moléculaire et communicateur scientifique yéménite, imagine en 2022 le concept Ectolife.des centaines de  « nacelles de croissance », entendez par  là des utérus artificiels transparents au sein d'environnement vendeur capable de séduire le bobo de demain. Selon lui, ce modèle de parentalité sera possible d’ici quelques années, et généralisé à moyen terme.

 

Durant sa phase de domination formelle, le mode de production capitaliste émerge progressivement, se nourrissant des structures économiques et sociales préexistantes sans les transformer immédiatement en profondeur. Cette phase s’étend du développement médiéval des grandes cités marchandes, telles que Venise, Anvers, Gênes, et Amsterdam, jusqu'à la première guerre mondiale de 1914, une boucherie qui marque un tournant historique et l’aboutissement de tensions économiques et géopolitiques latentes.

Dans cette période, le capitalisme n'est pas encore pleinement formé : il s'appuie sur des formes de production qui lui sont extérieures, qu'il absorbe et transforme progressivement pour les modeler selon ses propres principes. Ce processus d’assimilation implique une lente digestion des anciennes pratiques économiques, des traditions commerciales et des modes de vie qui résistent initialement à la logique capitaliste. Les structures précapitalistes, notamment féodales et marchandes, sont incorporées et reconfigurées en fonction des besoins du capital, qui exige une expansion constante et une restructuration permanente des rapports de production.

C’est aussi l’époque des accumulations premières, marquée par la recherche d’un enrichissement personnel et collectif, dictée par une éthique de l’épargne et de la retenue. Les premiers entrepreneurs capitalistes se trouvent en quelque sorte contraints par une morale qui valorise l’autodiscipline, la frugalité et l’accumulation de richesses dans une optique de réinvestissement productif. Ce cadre moral, qui accorde une place centrale à l’effort et à la prudence, correspond à un moment où le capitalisme doit encore se constituer ses bases matérielles, humaines et financières pour se développer pleinement.

Avec le temps, cette dynamique évolue vers une phase de consommation des accumulations dernières, caractérisée par une nouvelle morale, celle de la débauche, de la consommation effrénée et de l’exploitation sans bornes des désirs humains. Le corps humain lui-même, ainsi que ses pulsions les plus intimes, deviennent des objets de marchandisation et d’accumulation, alimentant un cycle sans fin de production et de consommation. Le sexe, les loisirs, le divertissement sont transformés en machines de profit, intégrant chaque aspect de la vie dans la logique expansive du capital.

La domination du Capital devient véritablement réelle lorsque le procès de travail, c’est-à-dire l'ensemble des activités productives et créatives humaines, se transforme pour devenir spécifiquement capitaliste. Cela signifie que toutes les dynamiques sociales, économiques et culturelles sont désormais façonnées par les impératifs du profit, de la compétitivité et de la valorisation continue du capital. Ce n’est plus seulement le travail en tant que tel qui est mis au service du capital, mais toute l’activité vivante, chaque interaction humaine, chaque instant de la journée devient potentiellement une source de valeur.

Ce processus d’absorption totale de la vie par le capital aboutit à ce que l’on appelle le spectacle du fétichisme de la marchandise. Ce concept, issu des théories critiques du capitalisme, décrit un monde où les relations humaines sont médiatisées par les marchandises, c’est-à-dire des objets auxquels sont conférés des pouvoirs et une importance qu’ils n’ont pas en réalité. Dans ce monde, les objets deviennent les véritables sujets de la société, dictant les comportements, les désirs et les relations entre les individus.

La marchandise, en tant que forme achevée de la réification des rapports sociaux, envahit alors toutes les sphères de la vie humaine. Le capitalisme contemporain, qui a fini par liquider toute son antériorité, se manifeste comme un système totalisant où l’échange marchand ne se limite plus à l’économie, mais s’étend à la culture, à la politique, à l’intime. La logique marchande devient le prisme à travers lequel la réalité est perçue et vécue, jusqu'à occuper l’intégralité de l’existence humaine. La vie, dans ce cadre, est totalement subordonnée aux impératifs de l’économie de marché, conduisant à une aliénation généralisée.

La réalisation complète du mode de production capitaliste entraîne ainsi une occupation totale de la vie humaine, marquée par une réification extrême. Les individus deviennent des supports de valeur, des éléments fonctionnels d’un système qui les dépasse et les transforme en simples rouages d’une machine économique sans autre fin que sa propre perpétuation. Le capitalisme parvenu à ce stade ne laisse aucune place à l’extérieur ; il englobe tout, annihilant les formes alternatives et imposant une unique rationalité, celle de la valorisation ininterrompue.

Il y a bientôt deux siècles, au moment où se formait la Première Internationale, les débats théoriques et les luttes pratiques autour des conceptions révolutionnaires de Marx s’articulaient autour de principes maximalistes visant à abolir l’argent et l’État. Ces positions, radicales pour l'époque, exprimaient une volonté de rupture totale avec les structures capitalistes et étatiques, perçues comme des instruments d’asservissement. Les mouvements radicaux, qu’ils soient intellectuels ou militants, cherchaient à défendre une vision ontologique et émancipée de la vie humaine, où la liberté et l’autonomie n’étaient pas seulement des slogans, mais des réalités à conquérir et à préserver. Ils avaient compris, avec une intelligence prophétique et une profondeur analytique remarquable, que la civilisation du profit, en colonisant progressivement toutes les sphères de l’existence, ne pouvait mener qu’à une société où la valeur marchande écrase la vie humaine dans toute sa richesse et sa complexité.

Cette critique radicale portait sur la domestication totale de la vie par le capitalisme, où l’ensemble des relations humaines, des activités culturelles et des aspirations individuelles étaient intégrées dans un processus de marchandisation sans fin. Pour ces théoriciens et militants, la logique du profit n’était pas seulement économique, mais bien une force totalisante qui restructure les rapports humains et sociaux à son image, imposant une vision réifiée du monde. Cette dynamique historique, perçue comme inéluctable, ne pouvait conduire qu’à l’horreur de la prostitution universelle, où tout devient une transaction, et où l’artifice de la marchandise remplace les liens vivants de solidarité, d’amour et de communauté. L’artificiel illimité, caractérisé par une aliénation totale des besoins et des désirs, se dresse comme l’ultime horizon d’une civilisation qui ne sait plus produire que pour accumuler, dévorant toute possibilité d’un sens plus profond de l’existence humaine.

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Depuis les vieilles insurrections paysannes des siècles passés jusqu'aux soulèvements ouvriers qui se sont succédé contre l'oppression moderne du capitalisme, les résistances populaires ont toujours été marquées par la force de solidarités organiques et vivantes caractéristiques de l'Europe helléno-chrétienne. Elles n'existent pas ailleurs et surtout pas dans le village oriental que le Capital fait tout pour importer depuis 1968.

Ces luttes n’étaient pas seulement des révoltes contre des conditions économiques insupportables, mais aussi des batailles pour préserver des modes de vie fondés sur des liens communautaires intenses et durables. À travers l’histoire, les réseaux de solidarité familiaux, les traditions communautaires et les pratiques de soutien mutuel ont constitué des remparts contre l’atomisation imposée par les logiques marchandes. Ces solidarités ont fourni des bases dynamiques pour l’indiscipline et la mutinerie, offrant aux insurgés non seulement une cause, mais aussi un sens de l’appartenance et de l’identité collective qui rendait la lutte plus tenace et plus profonde.

Le chouan de 1793, le communard de 1871 et le sidérurgiste de 1968 n’étaient pas seulement des figures de la révolte contre des régimes politiques et économiques oppressifs, mais incarnaient également la défense de valeurs et de traditions enracinées dans des pratiques communautaires anciennes. Leur lutte de classe s’articulait autour d’une détermination affective et d’un enracinement dans des réseaux familiaux et sociaux qui offraient une alternative concrète aux individualismes imposés par le capitalisme. Ces relations affectives et ces liens de filiation représentaient non seulement une source de soutien matériel, mais aussi un socle idéologique et moral qui donnait à la résistance une dimension profondément humaine et vivifiante.

Cette détermination historique était ancrée dans une longue tradition de résistance aux forces de l’atomisation et de la marchandisation. Contrairement aux caricatures d’un Ancien Régime monolithique et oppressif, les communautés rurales et urbaines parvenaient encore, malgré les contraintes et les pressions, à préserver des espaces de liberté et d’autonomie. Les communaux ancestraux, les coutumes locales et les réseaux de solidarité offraient des contre-pouvoirs à l’emprise de l’État et du marché. Ces espaces, où la loi de l’argent et de l’autorité centralisée n’avaient pas encore tout à fait supplanté les pratiques collectives, permettaient la subsistance d’une vie où la production était orientée non pas vers le profit, mais vers le bien-être commun.

Ces modes de vie communautaires, qui subsistaient malgré la modernisation et l’expansion capitaliste, conservaient le sens d’une tradition millénaire où la production et l’échange n’étaient pas dictés par la logique marchande, mais par les besoins humains et les impératifs de la vie en société. La communauté organique, qui ignorait délibérément les lois de l’argent et de l’État, offrait une alternative radicale au capitalisme moderne en produisant pour le bien-vivre humain et non pour l’accumulation de richesses. Ce modèle, ancré dans des pratiques ancestrales et une conception collective de l’existence, représentait une forme de résistance silencieuse mais puissante à l’hégémonie croissante des valeurs marchandes.

Ainsi, ces luttes historiques, qu’elles soient paysannes, ouvrières ou communautaires, témoignent d’une continuité de résistance à l’atomisation sociale et à l’exploitation économique. Elles rappellent que, malgré la domination grandissante du capitalisme, des poches de résistance, basées sur des liens affectifs et des solidarités enracinées, ont toujours existé et continuent de fournir des bases pour imaginer des alternatives à un monde totalement réifié. Les mouvements radicaux, qu’ils soient d’hier ou d’aujourd’hui, puisent leur force dans cette tradition vivante qui refuse de se soumettre entièrement à la logique marchande, et qui continue de lutter pour un avenir où l’humain ne sera plus réduit à un simple rouage de la machine économique.

Avec la domination pleinement réalisée de la marchandise, les lignages humains d’avant le règne absolu de l’accaparement qui s’étaient affirmés comme positions récalcitrantes lors de la phase d’ascension du Capital, sont devenus décidément d’aucune utilité puisqu’ils témoignent justement de ce temps révolu où la généalogie des hommes échappait encore pour une part au cannibalisme de l’appropriation. Par la dialectique de l’obscurantisme illimité de la démocratie du calcul et de l’avilissement, la séparation généralisée des hommes de leur propre existence exulte, et ainsi doit disparaître toute pratique unitaire de la réalité, toute communication personnelle directe entre les humains qui ne serait point préalablement médiée par la représentation narcissique des échanges. Selon le progrès moderniste de l’accumulation capitaliste d’une production obligatoirement séparée et séparante, l’unité et la communication deviennent l’attribut exclusif du fétichisme de la marchandise. La réussite du système historique de la séparation spectaculaire est alors la marchandisation exemplaire du monde de tous les comportements des humains asservis.

Comme l’indiquait pertinemment Guy Debord au siècle dernier, maintenant l’homme cesse de pouvoir ressembler aux combats de son père ou de son grand-père, il doit être étroitement accordé à l’image prosternée du présent éternel de la soumission à l’argent…

Comme le souligne Marx dès ses premiers écrits, en opposition totale à l’idéologie des défenseurs aveugles du progressisme mondialiste et du bénéfice, la société de l’Avoir ne se contente pas de produire des marchandises matérielles : elle façonne également l’homme en une marchandise. Dans ce processus de marchandisation, l’homme n’est pas simplement un être vivant ou un travailleur ; il devient une « marchandise humaine », destinée à remplir le seul rôle que le système capitaliste lui assigne : celui d’être consommé, échangé, utilisé et jeté au gré des besoins du marché. Marx décrit ce processus comme une déshumanisation totale, touchant à la fois l’intellect et le corps de l’individu, réduisant l’humain à un état de dégénérescence morale, physique et intellectuelle. Cette condition produit un être aliéné, dénué de sens critique, où les notions d’immoralité et d’ilotisme, c’est-à-dire une incapacité à comprendre et à agir sur le monde, deviennent les traits dominants de la condition humaine.

Le capitalisme moderne a perfectionné cette aliénation à travers le système du fétichisme marchand, qui repose sur l’isolement des individus. Ce fétichisme ne se limite pas à l’adoration des objets et des biens de consommation ; il englobe une dynamique circulaire qui engendre un isolement toujours plus profond. Les individus sont séparés les uns des autres, non seulement par les murs invisibles de la concurrence et de l’égoïsme, mais aussi par une logique narcissique qui les pousse à se replier sur eux-mêmes, prisonniers de leur propre image. L’isolation spectaculaire – ce spectacle permanent de la marchandise qui envahit tous les aspects de la vie sociale – fonctionne comme une technique sophistiquée de contrôle. Elle assure le développement de la marchandisation en rendant l’isolement social non seulement acceptable, mais désirable, renforçant l’illusion d’une liberté individuelle qui n’est en réalité qu’une servitude volontaire.

Chaque avancée technique, chaque nouvel outil de communication ou de consommation, loin de rapprocher les gens, les éloigne encore davantage les uns des autres. Le progrès technique, qui devrait théoriquement servir à améliorer la condition humaine, est détourné par le capitalisme pour renforcer la marchandisation des rapports humains. Dans cette société, chaque interaction est médiée par des dispositifs marchands, des plateformes numériques, des écrans qui se dressent entre les individus, leur interdisant tout contact réel et authentique. Ce phénomène, bien que déguisé sous les habits trompeurs de la modernité et de la libération des mœurs, aboutit à une solitude profonde et à une aliénation croissante. L’extrême gauche du Capital, qui se présente souvent comme avant-gardiste et progressiste, joue en réalité un rôle complice en promouvant des valeurs qui ne font qu’intensifier la marchandisation des corps, des cœurs et des esprits.

Les prétendues « libérations » des mœurs, célébrées comme des avancées sociales et culturelles, ne sont en fait que des stratégies du Capital pour intégrer chaque aspect de la vie humaine dans sa logique de profit. La libération sexuelle, par exemple, promue comme une émancipation des contraintes morales et religieuses du passé, se traduit dans la pratique par une marchandisation accrue des corps. Les relations sexuelles, autrefois basées sur l’intimité, l’affection ou le désir mutuel, deviennent des transactions banalisées, évaluées à l’aune de critères marchands. Les sentiments, les émotions et les désirs sont convertis en produits à vendre et à consommer, et les individus eux-mêmes deviennent des marchandises dans un marché où tout peut être monétisé. Cette évolution, loin d’émanciper, conduit à une réification extrême de l’être humain, transformant chaque relation personnelle en un simulacre orchestré par le système marchand.

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Le développement technique de la marchandisation crée ainsi des foules solitaires, des masses d’individus isolés les uns des autres, privés de toute véritable communauté ou solidarité.

Loin de créer des liens authentiques, les technologies de l’information, les réseaux sociaux et autres médias ne font que renforcer l’isolement, en offrant une illusion de connexion sans profondeur ni réalité. La « communication » moderne, réduite à des échanges de données, à des likes et à des commentaires superficiels, renforce l’isolement émotionnel et psychologique des individus. Ce phénomène est orchestré par le système spectaculaire, qui, en cultivant une image permanente de la vie parfaite, du bonheur consommable et de la réussite mesurable, éloigne les individus de leurs aspirations véritables et les enferme dans un état de dépendance perpétuelle à l’égard des images et des produits qu’on leur impose.

Chaque pas en avant dans la prétendue libération des mœurs, chaque nouvelle « conquête » sociale ou culturelle, n’est finalement qu’un moyen de renforcer l’emprise du capitalisme sur les corps et les esprits. Les avancées sélectionnées par le système spectaculaire ne sont pas neutres : elles sont les armes nouvelles de la marchandisation, conçues pour accentuer l’isolement et l’asservissement des individus. L’émancipation apparente se révèle être une servitude nouvelle, où l’homme, au lieu de se libérer, s’enferme davantage dans la cage dorée de la consommation et du spectacle. Ce processus aboutit à la prolifération d’une multitude de « foules solitaires » : des masses d’individus isolés, aliénés, et réduits à des spectateurs passifs d’un monde qu’ils ne contrôlent plus.

L’homme moderne, tel que le produit le système du fétichisme marchand, n’est plus maître de ses choix, de ses désirs ou de ses relations. Il est façonné par un environnement où chaque aspect de sa vie est transformé en marchandise, y compris lui-même. Cet isolement narcissique, qui se nourrit du spectacle et du consumérisme, crée un cycle sans fin où l’homme devient étranger à sa propre existence, dépossédé de toute authenticité et de tout sens profond. La domination du capitalisme atteint ainsi son apogée dans la création de l’homme-marchandise, un être déshumanisé, privé de toute capacité de résistance, et condamné à vivre dans un monde où l’isolement et l’aliénation sont devenus les nouvelles normes de l’existence humaine.

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